[Analyse] Microsoft en Europe : se démarquer de l’image Donald Trump

Je vous propose dans cet article (plus long que d’habitude) une analyse sur tout ce qu’entreprend Microsoft pour se démarquer de l’image désastreuse de Trump en Europe et en France en particulier afin que cette dernière ne nuise pas à son business… juteux.

Un marché vital et des contrats à préserver. 

L’Europe représente une part essentielle du chiffre d’affaires de Microsoft (plus du quart de ses revenus mondiaux) et constitue un marché incontournable pour l’entreprise . Or, la présidence Trump a exacerbé en Europe une méfiance envers les géants technologiques américains, c’est le moins que l’on puisse dire… Des appels politiques ont même émergé pour exclure les entreprises américaines de certains marchés publics, au nom de la souveraineté technologique européenne . La dépendance des États et entreprises européennes aux solutions de cloud américaines (Microsoft Azure, Amazon AWS, Google Cloud) est de plus en plus perçue comme un risque stratégique, surtout après le retour de Donald Trump et ses positions hostiles vis-à-vis de l’UE . Des pays comme les Pays-Bas ont entamé des démarches parlementaires afin de réduire la dépendance aux fournisseurs américains et promouvoir des alternatives locales . Microsoft doit donc sécuriser ses contrats publics et privés en rassurant ses clients européens : sans garanties claires, certains envisagent déjà de migrer vers des solutions cloud 100 % européennes par crainte que la technologie américaine ne soit (instrumentalisée) contre les intérêts européens.

Investissements locaux et compétitivité européenne. 

Pour atténuer ces enjeux économiques, Microsoft a multiplié les investissements en Europe, notamment en construisant des centres de données régionaux et en créant des emplois locaux. L’entreprise a annoncé une hausse de 40 % de sa capacité cloud en Europe d’ici 2027 (avec des datacenters dans 16 pays, pour dépasser 200 sites) , un investissement de « plusieurs dizaines de milliards de dollars par an » visant à la fois la performance et la souveraineté numérique du continent . Cette expansion soutient la compétitivité économique européenne, tout en garantissant que les données restent “soumises aux lois européennes” dans des infrastructures locales . Par ailleurs, Microsoft a pris en compte la concurrence des acteurs européens du numérique. Historiquement, ses pratiques commerciales en Europe ont fait l’objet de sanctions pour abus de position dominante (Windows, Internet Explorer, etc.), et l’Union européenne a infligé plus de 2 milliards d’euros d’amendes cumulées à Microsoft dans les années 2000-2010 . Sous la pression actuelle pour plus d’éthique et de fair-play, Microsoft affiche désormais sa volonté de jouer la carte de la coopération. Le groupe a noué des partenariats majeurs avec des entreprises européennes (éditeurs locaux, opérateurs cloud) et reconnaît l’importance d’un écosystème diversifié . Concrètement, Microsoft propose désormais à des hébergeurs européens d’exploiter ses applications sur leurs propres infrastructures à des conditions plus avantageuses que celles offertes à Amazon ou Google. Cette ouverture vise à soutenir les fournisseurs “made in Europe” et à atténuer les critiques selon lesquelles Microsoft entraverait la concurrence locale . En somme, sur le plan économique, se démarquer de l’image d’un “Big Tech” inféodé aux États-Unis de Trump est crucial pour Microsoft, afin de conserver la confiance de ses clients européens et de continuer à remporter des contrats face à une concurrence locale encouragée par les pouvoirs publics.

Enjeux politiques : relations avec les gouvernements et perception géopolitique

Le climat politique instauré par Donald Trump – marqué par des déclarations ouvertement anti-européennes (qualifiant l’UE de « horrible » ou « pathetic », etc. ) – a eu pour effet de resserrer les rangs des dirigeants européens autour de l’idée de souveraineté numérique . Sur le Vieux Continent, la politique américaine agressive a suscité un réflexe “anti-US” conduisant les gouvernements à promouvoir des solutions technologiques locales et à se méfier des entreprises américaines vues comme potentiellement alignées sur Washington . Dans ce contexte, Microsoft doit soigneusement gérer ses relations avec les États européens. L’enjeu politique majeur est de ne pas être perçu comme un relais de la Maison-Blanche ou comme un cheval de Troie de la politique américaine de Trump. À l’inverse, l’entreprise cherche à se présenter comme un partenaire de confiance des gouvernements européens, respectueux de leurs intérêts et de leur autonomie.

Alignement stratégique sur l’Europe. 

Conscient du danger que fait peser la posture américaine sur son activité en Europe, Microsoft a adopté une stratégie de communication diplomatique pour prendre ses distances avec l’image Trump. Brad Smith, Président de Microsoft, a ainsi déclaré que les entreprises technologiques doivent “servir de pont entre les deux rives de l’Atlantique” en période de tensions . Microsoft se pose en médiateur et garant de la stabilité numérique transatlantique, plutôt qu’en acteur soumis aux caprices politiques de Washington. La firme a publiquement soutenu des initiatives internationales que l’administration Trump avait critiquées – par exemple, Microsoft a continué d’appuyer l’Accord de Paris sur le climat après le retrait des États-Unis, et a plaidé pour des politiques d’immigration inclusives en désaccord avec les mesures de Trump (comme le Muslim Ban, que Microsoft a contesté aux côtés d’autres acteurs du secteur, et la défense des employés “Dreamers”). Ces prises de position montrent que Microsoft tente de dissocier son image de celle du gouvernement américain lorsque les valeurs en jeu diffèrent de celles de l’Europe.

Dialogue avec les gouvernements européens. 

Sur le plan politique, Microsoft entretient un intense lobbying pro-européen. L’entreprise investit des millions de dollars dans ses relations institutionnelles afin de rassurer sur ses intentions . Par exemple, face aux inquiétudes sur un possible “débranchement” d’Internet par Trump en cas de conflit, Microsoft a pris les devants. Brad Smith a mené des discussions au plus haut niveau à Bruxelles et dans les capitales, assurant que Microsoft défendra coûte que coûte l’accès des Européens à ses services cloud, même en cas de tension diplomatique extrême . Cette promesse, inédite dans le secteur, vise à convaincre les responsables politiques que Microsoft est allié de l’Europe. Par ailleurs, l’entreprise a montré patte blanche en adoptant les priorités politiques européennes : investissements locaux (soutenant la création d’emplois et la transition numérique des administrations), coopération en matière de cybersécurité, et soutien affiché aux valeurs européennes (respect de la vie privée, démocratie numérique, etc.). Autrement dit, Microsoft cherche un alignement stratégique avec l’UE et ses États membres, quelle que soit la direction politique prise par Washington . Cette attitude contraste fortement avec l’image clivante de Donald Trump, et sert à consolider des relations de travail saines avec les gouvernements européens.

Enjeux réglementaires : GDPR, DMA, DSA et souveraineté des données

L’Union européenne a mis en place ces dernières années un arsenal réglementaire renforcé pour encadrer les activités des géants du numérique. Pour Microsoft, démontrer sa conformité au RGPD, au DMA, au DSA et aux lois sur la souveraineté des données est impératif afin de se distinguer de l’ère Trump (associée à un certain laxisme réglementaire aux États-Unis). Brad Smith a explicitement reconnu que “les lois européennes s’appliquent à nos pratiques commerciales en Europe, y compris le droit de la concurrence et la législation sur les marchés numériques”, et a affirmé l’engagement de Microsoft à respecter le rôle de ces lois dans la régulation de ses produits et services . Cet alignement est essentiel pour continuer à opérer en Europe : l’image d’une entreprise américaine cherchant à échapper aux régulations européennes serait désastreuse. Microsoft a donc adapté ses produits (par exemple, modifications dans Windows pour se conformer au Digital Markets Act dès son entrée en vigueur ) et s’est soumis aux nouvelles obligations du Digital Services Act concernant la modération des contenus illicites sur ses plateformes. Elle a également rejoint des initiatives locales telles que CISPE (association européenne des fournisseurs de cloud) pour participer à l’élaboration de standards éthiques communs .

Protection des données et Cloud Act. 

L’enjeu réglementaire majeur reste la protection des données personnelles. Le RGPD impose des exigences strictes que Microsoft s’engage à respecter (stockage et traitement des données des clients européens dans l’UE, mesures de chiffrement avancées, contrôle des accès administratifs) . Cependant, un point de friction lié à Donald Trump concerne le Cloud Act américain (2018), qui permet au gouvernement des États-Unis d’exiger d’une entreprise comme Microsoft la divulgation de données, y compris si celles-ci sont stockées en Europe. Ce conflit de lois (RGPD vs Cloud Act) alimente la suspicion en Europe : le PDG de Nextcloud (fournisseur cloud européen) rappelle par exemple que le Cloud Act « s’applique où que soient hébergées les données » et estime que la promesse de Microsoft de protéger les données européennes « ne change rien au fond » tant que la législation américaine prévaut . Conscient de cet enjeu, Microsoft a annoncé des mesures pour mitiger l’effet du Cloud Act : extension du chiffrement “zéro accès” (où seul le client détient les clefs de chiffrement des données), et surtout lancement du projet “EU Data Boundary” qui garantit aux clients européens que leurs données demeurent localisées et traitées uniquement en Europe . Début 2024, Microsoft a ainsi permis à ses clients européens du cloud de choisir de stocker toutes leurs données dans des datacenters situés dans l’UE afin de mieux se conformer aux exigences de souveraineté numérique . Cette initiative vise à rassurer les régulateurs et clients que les données sensibles ne seront pas transférées outre-Atlantique sans protection.

Nouvelle législation et audits européens. 

Microsoft doit également naviguer dans le contexte de la législation européenne émergente sur les services numériques et le cloud. Le Digital Markets Act (DMA), entré en vigueur récemment, impose des règles de concurrence strictes aux gatekeepers (géants structurants du numérique) : Microsoft, potentiellement concerné via Windows, Azure ou Office, a déjà annoncé des ajustements (par exemple en facilitant la désinstallation d’applications préinstallées, ou en offrant plus d’interopérabilité) . Le Digital Services Act (DSA), quant à lui, pourrait s’appliquer à LinkedIn (filiale de Microsoft) en tant que plateforme très large, obligeant l’entreprise à renforcer la modération des contenus et la transparence des algorithmes. De plus, l’Europe finalise des règlements comme le Cyber Resilience Act (CRA) et le schéma européen de certification EUCS pour le cloud. Brad Smith a salué le CRA comme « un nouveau standard d’excellence pour la cybersécurité, tout comme le RGPD l’a été pour la confidentialité », signalant que Microsoft entend s’y conformer pleinement . Des audits indépendants seront menés pour vérifier ces engagements, et Microsoft sait qu’elle sera attendue au tournant par les autorités européennes . En se montrant proactif et transparent sur le plan réglementaire, Microsoft cherche à prouver qu’il n’est pas dans la posture de défiance qu’avait parfois l’administration Trump vis-à-vis des règles internationales, mais bien dans une logique de coopération respectueuse des lois européennes.

Enjeux d’image : réputation, confiance du public et distinction d’avec Trump

L’image de Donald Trump en Europe est très négative : une enquête de 2025 montre une majorité d’opinions défavorables envers les États-Unis, notamment dans l’UE, en grande partie à cause du retour de Trump au pouvoir . Il est donc risqué pour une entreprise comme Microsoft d’être associée – même indirectement – à la figure de Trump ou à des valeurs perçues comme “américaines trumpiennes” (unilatéralisme, mépris du multilatéralisme, faible considération de la vie privée, etc.). La confiance des consommateurs européens envers les grandes entreprises technologiques dépend de leur neutralité politique et de leur adhésion à des principes éthiques universels. Toute prise de position de Microsoft pouvant suggérer un alignement sur Trump (par exemple, un soutien tacite à une politique controversée) pourrait entacher sa réputation en Europe. À l’inverse, Microsoft travaille son image de “bonne élève” : l’entreprise communique sur son attachement aux causes populaires en Europe (protection de l’environnement, inclusion sociale, respect des droits numériques) en contraste avec l’ère Trump qui a été marquée par le climato-scepticisme ou les clivages sociétaux.

Recul historique des soupçons. 

Il faut noter que Microsoft traîne encore l’héritage d’une méfiance ancienne en Europe (les années d’antitrust ont laissé l’image d’une firme arrogante dans les années 2000 ). Mais sous Satya Nadella puis Brad Smith, la société a amélioré son capital sympathie : elle s’est ouverte à l’open source, a fait preuve d’autocritique et s’est démarquée de la rhétorique belliqueuse de certains concurrents. En se dissociant clairement de la politique américaine la plus impopulaire, Microsoft cherche à “se racheter une conduite” auprès du public européen . Par exemple, pendant le mandat Trump, Microsoft n’a pas hésité à critiquer publiquement certaines mesures : l’entreprise a soutenu ses employés immigrants visés par le Muslim Ban et s’est opposée à la séparation des familles migrantes, prenant le contre-pied de Trump sur l’immigration. De même, après les événements de Charlottesville (2017) ou du Capitole (2021), Microsoft a fermement condamné les discours extrémistes – là où Trump était accusé de souffler sur les braises. Ces éléments de communication contribuent à distinguer l’image de Microsoft de celle de Trump, en la rapprochant davantage des valeurs européennes de modération, de multilatéralisme et de respect des droits.

Confiance et transparence. 

Un autre aspect de l’enjeu d’image est la transparence. L’UE prône la transparence des algorithmes, la lutte contre la désinformation et la protection des utilisateurs en ligne – des domaines où l’administration Trump avait une approche minimaliste. Microsoft a donc intérêt à sur-communiquer en Europe sur ses efforts en matière de transparence (rapports de modération LinkedIn, rapports d’accès aux données, etc.) et sur sa collaboration avec les autorités pour combattre la cybercriminalité et les ingérences étrangères dans les processus démocratiques. En se posant en acteur responsable et fiable, Microsoft renforce la confiance du public. Cette confiance est un atout commercial (les consommateurs seront plus enclins à utiliser ses produits cloud, ses services et outils numériques s’ils pensent que Microsoft respecte leurs valeurs et leur vie privée). Enfin, au-delà du public, l’image de Microsoft auprès des décideurs d’entreprises (CEO, DSI) compte également : ces derniers écoutent les signaux politiques. Or, des voix en Europe ont récemment salué Microsoft comme « une voix de la raison au milieu de tensions transatlantiques extrêmes », tout en restant vigilants sur la concrétisation de ses promesses . Pour capitaliser sur cette bonne image naissante, Microsoft doit donc continuer à prouver par des actes qu’elle est indépendante des figures politiques clivantes et qu’elle place l’intérêt de ses clients européens en premier, quelles que soient les pressions extérieures.

Initiatives de Microsoft pour se démarquer de l’image Trump et rassurer l’Europe

Microsoft a déjà entrepris un ensemble d’actions stratégiques pour répondre à ces enjeux et se positionner en partenaire européen de confiance distinct de l’administration Trump :

  • Engagements numériques européens (avril 2025) : Microsoft a annoncé cinq engagements majeurs envers l’Europe, dont l’expansion de l’infrastructure cloud/IA (datacenters) de 40 % en deux ans, le maintien de la résilience numérique de l’Europe “quelle que soit la volatilité géopolitique”, la protection renforcée des données européennes, le soutien à la cybersécurité européenne, et le renforcement de la compétitivité économique locale (y compris via l’open source) . Ces engagements ont été présentés lors d’une keynote à Bruxelles pour montrer que Microsoft place l’Europe au cœur de sa stratégie. L’entreprise investit ainsi massivement pour créer une capacité cloud locale suffisante et rapprocher ses services des besoins européens .
  • Partenariats “cloud souverain” et initiatives locales : Pour adresser les préoccupations de souveraineté, Microsoft s’est allié à des acteurs européens afin de déployer des clouds de confiance sous contrôle local. En France, Microsoft a formé avec Capgemini et Orange la co-entreprise Bleu, qui opère les services Azure et 365 sous juridiction française (personnel et infrastructures français) . En Allemagne, un partenariat similaire existe avec SAP et Arvato (projet Delos Cloud) pour le secteur public allemand . En outre, Microsoft collabore avec d’autres fournisseurs européens en offrant ses logiciels sur leurs clouds à des conditions préférentielles . Ces initiatives locales (parfois soutenues par des fonds publics européens) démontrent la volonté de Microsoft de s’intégrer à l’écosystème européen plutôt que de l’évincer, et de respecter les exigences de souveraineté numérique de chaque pays.
  • Garanties juridiques de continuité des services : Microsoft a pris l’engagement inédit d’inclure dans tous ses contrats avec les gouvernements européens une clause de “Digital Resilience” qui garantit la continuité de ses services cloud en Europe . Brad Smith a déclaré que « si un gouvernement, où qu’il soit dans le monde, ordonnait de suspendre nos opérations cloud en Europe, Microsoft contesterait vigoureusement une telle mesure par tous les moyens juridiques » . En clair, Microsoft promet de traduire en justice toute tentative (y compris émanant de Washington) qui viserait à priver les Européens de technologies essentielles . Cette obligation est désormais inscrite noir sur blanc dans ses contrats avec les États et la Commission européenne , un geste fort pour affirmer son indépendance vis-à-vis de potentielles injonctions politiques américaines. Par ailleurs, pour renforcer cette garantie, Microsoft conserve des copies de secours de son code source en Suisse et s’assure que des partenaires européens puissent prendre le relais opérationnel en cas d’empêchement (continuité d’activité) . Ces mesures visent à convaincre les clients européens que « quoi qu’il arrive à Washington, Microsoft ne les abandonnera pas ».
  • Conformité et alignement sur la régulation UE : Microsoft a multiplié les gestes prouvant son alignement stratégique avec les régulateurs européens. L’entreprise a rapidement ajusté ses produits et services pour se conformer aux nouvelles lois (par ex. adaptation de Windows/Teams au DMA) . Elle a nommé un “Deputy CISO Europe” (responsable cybersécurité adjoint pour l’Europe) chargé de garantir que les standards de sécurité européens soient respectés . Microsoft s’est également engagé à faire auditer par un tiers indépendant le respect de ses promesses envers l’Europe . En janvier 2023, le groupe a même rejoint l’organisation CISPE (qui réunit des fournisseurs de cloud européens, dont OVHcloud) après avoir trouvé un accord avec elle . Cette démarche a surpris positivement, car CISPE avait critiqué les pratiques de Microsoft ; en y adhérant, Microsoft montre qu’il accepte de se soumettre aux principes de concurrence loyale réclamés par les acteurs européens. Globalement, la firme martèle son respect des normes UE : “Nous respectons les valeurs européennes, nous nous conformons aux législations européennes” insiste Brad Smith . Cette communication est destinée à faire oublier l’image d’une Big Tech qui aurait pu profiter du climat deregulatoire sous Trump : Microsoft veut désormais être perçue comme pro-active dans la compliance.
  • Communication d’entreprise distanciée de la politique américaine : Enfin, Microsoft a soigné sa communication institutionnelle pour la dissocier des figures politiques clivantes. Sans jamais citer nommément Donald Trump dans ses communiqués récents, le groupe déplore le contexte de “volatilité géopolitique” actuel et met en avant son propre rôle stabilisateur . Lors de ses interventions publiques en Europe, Brad Smith adopte un ton conciliant envers l’UE et souligne la nécessité de relations transatlantiques apaisées . Microsoft n’a pas hésité non plus à prendre des décisions symboliques aux États-Unis pour signifier son désaccord avec l’entourage de Trump : par exemple, en 2023, la firme a changé de cabinet d’avocats pour un dossier important en choisissant Jenner & Block, connu pour son opposition à Trump, à la place d’un cabinet jugé trop conciliant avec la Maison-Blanche . Ce choix inhabituel montre que Microsoft souhaite s’entourer de partenaires prêts à affronter Washington si nécessaire, un message clairement destiné à l’audience européenne. De plus, Microsoft continue de mettre en avant ses initiatives sociétales en Europe (programmes de formation numérique, investissements dans des projets culturels comme la numérisation du patrimoine – e.g. réplique numérique de Notre-Dame de Paris en partenariat avec le Ministère de la Culture ). Ces actions locales renforcent l’image d’une entreprise ancrée en Europe, soucieuse de l’intérêt général, et non d’un “agent” de la politique américaine.

En conclusion, Microsoft fait face à des enjeux stratégiques multiformes pour conserver et développer son business en Europe tout en se démarquant de l’image politique de Donald Trump. Sur le plan économique, il lui faut rassurer clients privés et États que son succès n’entrave pas la souveraineté européenne, en investissant localement et en jouant la coopération plutôt que la domination. Sur le plan politique, Microsoft doit rester un interlocuteur crédible des gouvernements de l’UE, ce qui implique une neutralité vis-à-vis des turbulences de Washington et un alignement sur les priorités européennes. Du point de vue réglementaire, l’entreprise s’attache à respecter – voire à embrasser – les nouvelles règles du jeu fixées par l’UE (RGPD, DMA, DSA, etc.), marquant une rupture avec l’époque où les big tech américaines étaient perçues comme tentant d’y échapper. Enfin, en termes d’image, Microsoft travaille à construire une réputation de partenaire de confiance, attaché aux valeurs européennes, à mille lieues des controverses et du style clivant associés à Donald Trump. Les multiples initiatives déjà en place témoignent d’une stratégie consciente : prendre le contre-pied de l’“American First” trumpien pour se poser en entreprise “Europe-friendly”. Il reste à Microsoft à transformer l’essai – en concrétisant ses promesses sur la durée – afin de convaincre définitivement l’Europe qu’elle peut compter sur lui pour le long terme… Pas facile. L’entreprise est bien sur un fil.

Un commentaire

  • Avatar de ghostly68eef40119

    Merci Stéphane, article clair qui résume bien la position courageuse et nécessaire de MS dans l’environnement chahuté actuel …

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