Cybersécurité : pourquoi Google a déboursé 32 milliards pour s’offrir Wiz ?

Si à première vue un accord échoue, il suffit parfois d’ajouter quelques milliards pour le sceller. C’est exactement la stratégie qu’a adoptée Google pour racheter la startup de cybersécurité Wiz. Après avoir essuyé un refus l’an dernier pour une offre de 23 milliards de dollars, le géant du cloud est revenu à la charge, ajoutant 9 milliards supplémentaires pour convaincre Wiz d’abandonner ses ambitions d’introduction en bourse.

Cette acquisition, officialisée aujourd’hui, marque une avancée majeure pour Google Cloud, qui cherche à renforcer sa position face à ses concurrents, Microsoft Azure et Amazon Web Services (AWS). Mais au-delà du montant astronomique, que cherche réellement Google avec ce rachat ? Décryptage d’un deal où la persévérance (et l’argent, oh surprise !) ont eu raison de l’indépendance.

Wiz est l’une des startups les plus prometteuses dans le domaine de la cybersécurité cloud. En seulement quelques années (5 ans d’existence…), elle a su séduire de grands clients en sécurisant leurs infrastructures multi-cloud, une approche qui s’aligne parfaitement avec les besoins des entreprises modernes.

L’an dernier, Google avait déjà tenté de mettre la main sur Wiz avec une offre de 23 milliards de dollars, mais les dirigeants de la startup avaient préféré rester indépendants et explorer la voie de l’introduction en bourse. Pourtant, Google n’a jamais abandonné. Sundar Pichai, PDG d’Alphabet, et Thomas Kurian, patron de Google Cloud, ont maintenu des échanges réguliers avec Wiz pendant huit mois. Une patience qui a fini par payer. Et ils n’étaient pas les seuls sur le coup. Selon plusieurs sources, d’autres acteurs du secteur ont également tenté d’acquérir Wiz ces derniers mois, ce qui a sans doute contribué à faire monter les enchères.

Un rachat qui renforce la position de Google Cloud

Pourquoi un tel engouement pour Wiz ? L’entreprise génère actuellement plus de 700 millions de dollars de revenus récurrents et devrait dépasser le milliard d’ici fin 2025. Bien que cela reste modeste par rapport aux 12 milliards de revenus trimestriels de Google Cloud, l’intégration de Wiz représente bien plus qu’une simple question de chiffre d’affaires.

1. Une opportunité d’expansion vers les clients d’Azure et AWS

Wiz a bâti son succès sur sa capacité à sécuriser les environnements multi-cloud, y compris ceux hébergés chez Microsoft Azure et Amazon Web Services. En acquérant Wiz, Google Cloud s’offre ainsi une porte d’entrée vers des entreprises qui utilisent ces services concurrents. Pour ne pas effrayer ses nouveaux clients ni attirer l’attention des régulateurs, Google a annoncé que Wiz restera disponible pour les utilisateurs d’Azure et d’AWS. Mais en coulisses, Google ne se privera sûrement pas de promouvoir ses propres solutions cloud et ses services de cybersécurité, comme Mandiant, son entité spécialisée dans l’identification des cybermenaces.

2. Un modèle qui rappelle la stratégie de Microsoft

L’acquisition de Wiz s’inscrit dans une logique similaire à celle de Microsoft, qui a toujours su tirer parti de ses rachats pour renforcer son offre cloud. Ironie du sort : les fondateurs de Wiz, Assaf Rappaport, Ami Luttwak et Roy Reznik, avaient déjà vendu leur précédente startup de cybersécurité, Adallom, à Microsoft en 2015 pour 320 millions de dollars.

Google et Wiz ont négocié dans la plus grande discrétion. Alors que Wiz laissait entendre qu’elle préparait son entrée en bourse, plusieurs indices laissaient deviner qu’un rachat était en réalité en préparation. En janvier, Wiz a recruté un nouveau directeur financier qui n’avait jamais orchestré d’introduction en bourse, mais qui avait une solide expérience dans les fusions-acquisitions. Un choix stratégique qui annonçait la couleur. Après l’échec des discussions avec Google l’été dernier, Wiz avait initialement mandaté Morgan Stanley pour préparer son IPO. Mais en coulisses, la startup a changé de cap et s’est tournée vers Goldman Sachs, qui avait déjà aidé Google à racheter Mandiant en 2022.

Google a mis le paquet pour sécuriser le deal. En plus d’une offre rehaussée, le géant de la tech a accepté une clause de rupture de plus de 3 milliards de dollars en cas d’échec de l’opération. C’est un montant colossal, représentant 10 % de la valeur totale du rachat. À titre de comparaison, cette somme est plus de deux fois supérieure à celle négociée lors du rachat avorté de Figma par Adobe.

Ce genre de clause devient de plus en plus courant dans un contexte où les régulateurs, notamment aux États-Unis et en Europe, scrutent de près les acquisitions des géants technologiques. Si l’accord venait à être bloqué pour des raisons antitrust, Wiz repartirait avec un joli chèque de consolation 🙂

Avec cette acquisition, Google Cloud se dote d’un atout de taille pour rivaliser avec AWS et Azure sur le terrain de la cybersécurité. Wiz, de son côté, intègre un géant qui lui offre des ressources considérables pour poursuivre son développement.

Mais une question demeure : que feront les fondateurs de Wiz de leur fortune fraîchement acquise ? Leur historique avec Adallom et Microsoft laisse penser qu’ils pourraient bien créer une nouvelle startup dans quelques années… et pourquoi pas la revendre à un autre géant du cloud.

Dans tous les cas, cet épisode montre une fois de plus que, dans la Silicon Valley, tout se négocie — surtout avec un gros chèque…

Nous reparlerons de tout ceci lors du prochain Briefing Calipia en juin.

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