Copilot s’installe chez Chrome : Microsoft s’incline face à la réalité du terrain
Dans le grand théâtre des navigateurs web, Microsoft joue depuis plusieurs années le rôle du challenger obstiné face à un géant qui règne sans partage : Google Chrome. Alors que la firme de Redmond a longtemps tenté d’imposer Edge comme le compagnon naturel de ses services en ligne, c’est désormais sur le terrain de l’adversaire qu’elle compte pousser son atout maître : Copilot.
Chrome, l’inamovible
Avec près de 65 % de parts de marché à l’échelle mondiale, Google Chrome continue d’écraser la concurrence. Même les stratégies pour le moins controversées de Microsoft – allant jusqu’à des récompenses monétaires pour utiliser Edge, selon certaines sources – n’ont pas réussi à inverser la tendance. Malgré les efforts d’intégration poussée avec Windows, Edge reste le navigateur que les utilisateurs contournent, souvent dès les premières minutes d’utilisation d’un nouvel appareil.
Il fallait donc changer de cap.
Une extension Copilot pour Chrome : enfin une tactique rationnelle ?
L’apparition d’une entrée discrète dans la roadmap Microsoft 365 (ID 530577) annonce pourtant un changement notable : Microsoft travaille sur une extension Copilot pour Chrome. Le principe est simple, mais lourd de sens : permettre aux utilisateurs Chrome d’accéder directement à Copilot Chat et Copilot Search, sans changer d’onglet ni de navigateur.
Les fonctionnalités prévues ciblent clairement les entreprises :
- Résumés de pages web
- Interrogation des contenus internes de l’organisation
- Recherche enrichie ancrée dans les données Microsoft 365
- Et surtout, le tout dans un cadre sécurisé et conforme
Ce mouvement stratégique vise à réduire le “context switching”, ce fléau silencieux de la productivité en entreprise, en intégrant les outils d’IA directement dans l’environnement de travail préféré des utilisateurs : Chrome.
Un aveu de faiblesse ou une vision pragmatique ?
Ce revirement pourrait être interprété comme une capitulation partielle. Edge n’a pas réussi à s’imposer, ni auprès du grand public, ni même dans le monde professionnel, malgré une série d’annonces ambitieuses, comme lors du récent Ignite 2025, où Microsoft présentait Edge comme le premier “navigateur IA sécurisé pour les entreprises”. Nous en reparlerons aussi lors du prochain Briefing avec une session dédiée aux navigateurs IA
Mais peut-être faut-il y voir, à rebours, une forme de lucidité stratégique : si les utilisateurs ne viennent pas à Edge, alors Microsoft ira là où ils sont. En acceptant de s’implanter dans Chrome, l’entreprise démontre qu’elle mise désormais davantage sur l’adoption de Copilot – le produit IA phare – que sur l’adoption de son propre navigateur.
Et si cette stratégie semble à première vue contre-intuitive, elle pourrait s’avérer payante : mieux vaut déployer son IA dans l’écosystème dominant que d’attendre une hypothétique montée en puissance d’Edge.
Quelles implications pour les DSI ?
Ce changement de paradigme ne doit pas être sous-estimé par les décideurs IT. L’introduction de Copilot dans Chrome pose plusieurs questions :
- Quels niveaux de sécurité et de conformité sont réellement garantis hors Edge ?
- L’extension pourra-t-elle s’intégrer aux politiques de gouvernance de données existantes ?
- Comment s’assurer que l’expérience utilisateur reste cohérente entre les différents points d’accès à Copilot ?
Autant de considérations qui devront être adressées d’ici février 2026, date de lancement annoncée dans la roadmap. Il est aussi fort probable que cette ouverture à Chrome ne reste pas limitée au monde de l’entreprise : Microsoft pourrait, à terme, proposer une version grand public de l’extension, brouillant encore davantage les frontières entre productivité personnelle et professionnelle.
Conclusion : entre pragmatisme et opportunisme
L’arrivée de Copilot sur Chrome signe la fin de l’exclusivité Edge et confirme une tendance plus large dans l’univers logiciel : les outils doivent aller là où sont les utilisateurs, et non l’inverse. Pour Microsoft, c’est un pari audacieux mais cohérent. Pour les DSI, c’est un signal à interpréter comme un appel à reconsidérer l’architecture de leurs environnements collaboratifs, en prenant en compte cette nouvelle donne IA-native.