Google Drive tend la main aux exilés de Dropbox (mais pas trop vite)
Plus d’un an après avoir intégré une fonction de migration depuis OneDrive, Google revient à la charge en annonçant la prise en charge de Dropbox dans sa Data Migration Service (DMS). Derrière cet ajout en apparence anodin, se cache une manœuvre plus stratégique qu’il n’y paraît, destinée à consolider l’écosystème Google Workspace dans les entreprises. Alors que la souveraineté des données et les exigences de conformité n’ont jamais été aussi critiques, cette annonce mérite une analyse technique (et politique) approfondie.
Une migration encadrée… à la ligne près
Première précision d’importance : seul un super administrateur peut lancer l’opération, et uniquement via la console d’administration de Google (Admin Console). L’interface à emprunter est désormais familière : Menu > Données > Importation et exportation > Migration des données (nouvelle version). Une fois là, il faudra connecter le compte Dropbox Business via les identifiants d’un administrateur d’équipe.
Le processus repose sur une logique de cartographie manuelle utilisant des fichiers CSV. Deux fichiers sont indispensables :
- Le premier décrit les dossiers Dropbox à migrer, avec des colonnes spécifiques comme Source DropboxValue(email ou chemin de dossier) et Target Drive FolderID pour spécifier le répertoire cible dans Google Drive.
- Le second fichier permet le mapping des utilisateurs, en reliant les adresses mail Dropbox à celles de Google Workspace (Target GUser).
La rigueur syntaxique est de mise : une erreur dans les colonnes ou un identifiant erroné et toute la tâche peut échouer silencieusement. Pas question donc d’improviser une migration un vendredi après-midi.
Un outil pensé pour les (toutes) petites migrations… ou les équipes patientes
Google limite l’usage de cet outil à 100 utilisateurs ou dossiers d’équipe par lot. Un détail qui n’en est pas un pour les grandes structures, qui devront orchestrer des migrations en série, à coup de scripts ou de planifications manuelles. Côté technique, il n’y a pas d’API publique annoncée à ce jour pour automatiser le processus, ce qui laisse les architectes SI sur leur faim.
À noter également : Google précise bien que cet outil n’est pas un outil légal, ce qui signifie qu’il ne gère ni la conservation réglementaire (legal hold), ni les métadonnées critiques pour la conformité (timestamps, historique de versions, etc.). En clair, les entreprises doivent assumer la responsabilité de toute conservation à des fins juridiques. Un conseil donc : doublez la migration d’un archivage sérieux avant tout déclenchement.
Compatibilité Google Workspace : une ouverture calculée
Cette fonctionnalité est disponible pour un large éventail d’abonnements Google Workspace (Business, Enterprise, Education, Nonprofits…). Un choix inclusif sur le papier, mais qui conforte une stratégie d’enfermement progressif dans l’écosystème Google. Plus on migre, plus il devient complexe d’en sortir.
La fonctionnalité sera activée progressivement sur les consoles d’administration d’ici 15 jours suivant l’annonce (classique déploiement en vagues à la Google), ce qui impose aux équipes IT de rester vigilantes quant à sa disponibilité réelle.
Enjeux techniques et stratégiques : les dessous d’un outil de migration
Derrière l’apparente générosité de Google à faciliter l’arrivée des données depuis Dropbox se cachent plusieurs réalités :
- Centralisation accrue : avec chaque migration réussie, Google renforce sa position de fournisseur unique dans la chaîne de productivité.
- Interopérabilité à sens unique : il n’est pas question ici de synchronisation bidirectionnelle ou de réversibilité.
- Responsabilité transférée : en déléguant la conformité aux entreprises, Google limite sa propre exposition légale tout en renforçant sa position d’outil “productif mais non réglementaire”.
Pour les DSI, cela signifie qu’une vérification en amont de la criticité des données migrées est indispensable, notamment si des enjeux juridiques, RGPD ou de sécurité sont en jeu.
En résumé
Ce nouvel outil de migration Dropbox vers Google Drive s’inscrit dans la continuité logique de la stratégie de Google : simplifier l’entrée dans son écosystème tout en s’exonérant des responsabilités de conformité. Si l’outil se révèle utile et bien pensé pour les migrations tactiques ou ponctuelles, il n’est en aucun cas un substitut à une gouvernance documentaire rigoureuse.