L’IA selon Microsoft, Google et Meta : trois stratégies, trois bilans, un même enjeu — survivre à l’explosion des coûts.
Mark Zuckerberg a de nouveau appuyé sur l’accélérateur de l’intelligence artificielle. Mais cette fois, la facture commence à peser sérieusement sur les comptes de Meta. Le groupe a reconnu que ses investissements massifs en infrastructures IA – recrutement de chercheurs vedettes, construction de nouveaux datacenters et achat de GPU par milliers – ont comprimé ses marges opérationnelles et réduit son cash-flow libre d’un tiers au troisième trimestre. Depuis fin 2024, les réserves de trésorerie de Meta ont fondu de 43 %. Et pourtant, Zuckerberg persiste : « Nous devons construire maintenant la capacité nécessaire pour les scénarios les plus optimistes », a-t-il expliqué aux analystes.
Le marché, lui, a moins d’optimisme : l’action Meta a chuté de 8 % après la publication des résultats. En clair, l’entreprise paie le prix d’un pari à long terme, dans un contexte où ses concurrents — Google et surtout Microsoft — semblent mieux absorber les mêmes surcoûts.
L’ombre portée du cloud : pourquoi Microsoft encaisse mieux
La différence majeure, c’est que Meta dépense pour elle-même, quand Microsoft et Google dépensent pour tout le monde. Ces deux géants disposent d’un moteur économique que Meta n’a pas : le cloud public. Azure et Google Cloud vendent de la capacité IA à des entreprises clientes, ce qui transforme chaque dollar investi en GPU en potentiel de revenus immédiat. C’est ce que révèle en creux les résultats trimestriels de ces sociétés publiés hier soir.
Côté Microsoft, la dynamique reste impressionnante. Azure a enregistré une croissance de 40 % de son chiffre d’affaires sur le trimestre, largement au-dessus de ses concurrents Amazon Web Services (AWS) et Google Cloud. Le groupe a généré 32 % de cash-flow opérationnel supplémentaire sur un an, de quoi se permettre d’augmenter ses dépenses d’investissement à 35 milliards de dollars, au-delà des prévisions initiales. Amy Hood, directrice financière du groupe, l’a confirmé : les capex continueront d’accélérer en 2026, soutenus par la demande massive pour les services IA d’Azure et les intégrations d’OpenAI dans l’écosystème Microsoft (Copilot, GitHub, Office 365, etc.).
Contrairement à Meta, Microsoft convertit chaque GPU déployé en revenus facturables presque immédiatement. Le modèle économique est circulaire : plus de puissance IA → plus de services Azure vendus → plus de cash pour réinvestir → encore plus de puissance. C’est la logique d’un fournisseur d’infrastructure, non d’un utilisateur captif.
Google : la double propulsion IA + Cloud
Chez Google, les résultats confirment la même résilience. Le moteur publicitaire reste solide, mais c’est surtout la performance du cloud qui impressionne : profits d’exploitation quasiment doublés, cash-flow libre en hausse de 39 %, malgré un doublement du capex. Autrement dit, Google investit lourdement dans l’IA tout en renforçant simultanément sa rentabilité — un équilibre que Meta ne parvient pas à atteindre.
Le message envoyé aux investisseurs est clair : le risque ChatGPT pour le moteur de recherche semble sous contrôle, et la diversification vers le cloud IA porte ses fruits.
Un paysage en recomposition rapide
Ce trimestre, les géants de la tech ont donc livré trois modèles économiques de l’IA :
- Meta : pari vertical, auto-financé, à fort risque de tension financière.
- Google : approche mixte, combinant IA interne et revenus cloud croissants.
- Microsoft : stratégie de plateforme, tirant profit de la demande mondiale pour la capacité IA.
Reste à voir ce que révèlera Amazon. Mais une chose est sûre : dans la bataille de l’intelligence artificielle, ceux qui louent leurs GPU semblent aujourd’hui mieux armés que ceux qui les consomment seuls.