Tesla : entre réalité comptable et rêves robotiques

Les résultats financiers du troisième trimestre de Tesla, publiés mercredi, rappellent qu’entre ambition visionnaire et exécution industrielle, la frontière reste ténue. Le constructeur californien affiche un redressement apparent de ses ventes automobiles, en hausse de 6 % après une chute de 16 % au trimestre précédent. Un rebond bienvenu… mais à relativiser.

Car derrière la performance se cache une course contre la montre fiscale : de nombreux acheteurs américains ont précipité leur commande de véhicules électriques avant la disparition du crédit d’impôt fédéral de 7 500 dollars, effective au 30 septembre. Une poussée artificielle donc, plus conjoncturelle que structurelle.

Le chiffre d’affaires total, en hausse de 12 % sur un an à 28,1 milliards de dollars, semble flatteur. Les divisions batteries et services progressent fortement, consolidant la diversification amorcée depuis deux ans. Mais la rentabilité, elle, patine : le bénéfice net s’effondre de 37 % pour tomber à 1,4 milliard de dollars. Pour une entreprise qui revendique un futur robotisé et autonome, l’écart entre la promesse et le compte de résultat se creuse…

Elon Musk et la fuite en avant technologique (comme c’est surprenant…)

Qu’importe les profits immédiats, dirait Elon Musk : l’avenir se joue ailleurs. Sur deux paris à très long terme – et à très haut risque – que sont le service de Robotaxi et le robot humanoïde Optimus. L’entrepreneur a d’ailleurs lié une partie de sa rémunération future à la réussite de ces deux projets, estimant qu’ils pourraient propulser Tesla à une capitalisation de 8,5 trillions de dollars (contre environ 1,5 aujourd’hui). Rien que ça.

Mais les annonces de cette semaine ont un goût de recul stratégique. Le Robotaxi, censé couvrir la moitié de la population américaine dès 2025, ne devrait finalement être déployé que dans 8 à 10 zones métropolitaines d’ici la fin de l’année. À ce jour, les essais restent cantonnés à Austin et à la baie de San Francisco, avec toujours des conducteurs humains de secours à bord. Musk promet de les retirer “dans les prochains mois” à Austin, sans calendrier clair pour les autres villes.

Sur le front d’Optimus, même constat. Tesla visait initialement la production de 5 000 unités cette année et de 50 000 en 2026. Ces objectifs ont été suspendus, les ingénieurs n’étant pas parvenus à stabiliser la conception des mains du robot – un détail qui a son importance quand il s’agit de manipuler le monde réel. La production de série n’est plus attendue avant fin 2026.

Musk, fidèle à son style, a néanmoins présenté la prochaine version du robot comme si réaliste “qu’il faudra le toucher pour vérifier que c’est un robot”, allant jusqu’à qualifier Optimus d’« infinite money glitch », expression empruntée au jargon des jeux vidéo pour désigner une faille génératrice de profits illimités. Malheureusement pour les actionnaires, le titre Tesla a chuté de 3 % après la publication des résultats.

Entre promesse technologique et gestion d’entreprise

Pour les DSI qui observent Tesla comme un laboratoire d’automatisation avancée, ces résultats soulignent un paradoxe : la technologie la plus sophistiquée ne suffit pas sans une exécution maîtrisée. L’entreprise excelle dans la communication d’une vision, mais les retards répétés dans la robotisation et l’autonomie questionnent la robustesse de son cycle R&D.

D’un point de vue industriel, Tesla demeure un acteur pionnier de l’intégration verticale : batteries, logiciels embarqués, IA embarquée, usine « full stack ». Mais la promesse de rentabilité durable dépendra moins du spectacle robotique que de la capacité à livrer, en volume et en qualité, des systèmes réellement autonomes.

L’histoire récente de Tesla illustre parfaitement le dilemme des géants technologiques : faut-il privilégier la vitesse de l’innovation ou la solidité du modèle économique ? Pour l’instant, Elon Musk continue de miser sur la première, au risque de donner raison à ceux qui voient dans ses robots davantage une narration qu’un produit.

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