L’IA vaut-elle vraiment son prix ? Quand la promesse technologique se heurte à la réalité budgétaire

Depuis plusieurs mois, un étrange décalage s’installe entre les discours triomphants des acteurs de l’intelligence artificielle et la perception plus nuancée – pour ne pas dire sceptique – des entreprises clientes. D’un côté, Sam Altman (CEO d’OpenAI) célèbre une adoption « stupéfiante » des services d’IA. De l’autre, les DSI et les directions financières font leurs comptes : les bénéfices opérationnels concrets restent bien difficiles à justifier face aux coûts engendrés.

Microsoft, par exemple, peine à convaincre que les fonctionnalités dopées à l’IA de la suite Office justifient la hausse tarifaire. Et le Financial Times note que de nombreux grands groupes avouent ne pas réussir à « expliquer » clairement la valeur de l’IA en interne. Traduction : la promesse d’efficacité existe, mais le ROI est encore en pointillés.

Le talon d’Achille : l’infrastructure

Le paradoxe s’accentue quand on regarde l’autre bout de la chaîne : les centres de données. Selon Bain & Co., les investissements actuels des entreprises dans l’IT sont largement insuffisants pour absorber l’appétit démesuré en puissance de calcul qu’exige l’IA générative. En clair, pour suivre le rythme, il faudrait multiplier les budgets d’infrastructure… alors même que les clients finaux rechignent à payer les services.

Le consommateur lambda, lui non plus, ne semble pas prêt à mettre la main au portefeuille pour des fonctionnalités qu’il juge encore gadget. Et cela laisse entrevoir un gouffre : une technologie qui dévore du silicium et de l’énergie, mais dont les revenus n’ont pas encore trouvé leur équilibre.

Les champions de l’IA, eux, ne doutent de rien

Sam Altman renverse la logique : il affirme que l’accès à l’IA pourrait devenir aussi essentiel que l’électricité ou Internet, voire un droit fondamental. De son côté, Nvidia, qui a bâti un empire sur les GPU, investit à tour de bras dans l’écosystème pour entretenir la dynamique – tout en profitant largement de la dépendance qu’il a créée.

Résultat : les géants de la tech s’activent pour lever des financements colossaux, y compris en imaginant des modèles financiers « innovants » (traduire : créatifs). L’enjeu n’est plus uniquement technique, il devient macroéconomique : comment financer une technologie que tout le monde dit incontournable, mais que peu sont encore prêts à payer ?

Un risque systémique à l’horizon

L’économiste en chef d’Apollo Global Management, Torsten Slok, avertit : les investisseurs boursiers sont massivement surexposés à l’IA, concentrée entre quelques mastodontes. Si la machine venait à ralentir – ou si la bulle éclatait –, les dégâts pourraient dépasser le seul secteur technologique.

En somme, l’IA ressemble de plus en plus à une promesse « indispensable mais pas encore rentable ». L’enthousiasme technologique est indéniable, mais la réalité budgétaire reste intransigeante. La question qui s’impose désormais aux DSI n’est plus « faut-il tester l’IA ? », mais « qui, exactement, paiera la facture de cette révolution annoncée ? ».

Nous reparlerons de tout cela lors du prochain Briefing Calipia avec des retours d’expériences de clients.

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