xAI à la croisée des chemins : la fuite des cerveaux continue

L’actualité de l’IA ne se limite pas aux benchmarks et aux annonces de modèles toujours plus gros. Elle se joue aussi dans les mouvements stratégiques des talents clés. Cette semaine, Igor Babuschkin, cofondateur de xAI et ancien chercheur senior chez Google DeepMind et OpenAI, a annoncé son départ de la société dirigée par Elon Musk. Une sortie qui soulève des questions sur la stabilité de l’équipe fondatrice et sur la capacité de xAI à conserver ses profils les plus rares.

Babuschkin ne quitte pas le domaine : il lance Babuschkin Ventures, une structure dédiée au financement de startups dans l’IA et les systèmes agentiques, avec un angle affirmé sur la sécurité de l’IA. L’objectif affiché : soutenir des projets “qui font progresser l’humanité et débloquent les mystères de notre univers”. Derrière la formule ambitieuse, on peut lire une volonté de s’attaquer aux questions structurelles qui agitent le secteur : maîtrise des comportements émergents, gouvernance des modèles autonomes et exploration des architectures hybrides IA-mécanismes physiques.

Elon Musk, dans une réponse publique, a salué la contribution de Babuschkin à la création de xAI : “Nous ne serions pas là sans toi.” Une formule polie, mais qui masque peut-être la réalité d’un turnover préoccupant. Babuschkin rejoint en effet une courte liste — mais déjà trop longue pour une entreprise de ce profil — de départs fondateurs : Kyle Kosic, reparti chez OpenAI, et Christian Szegedy, aujourd’hui chez Morph Labs.

Pour un DSI ou un architecte, la lecture est claire : perdre trois figures de proue en moins de deux ans, c’est voir s’évaporer une partie du capital intellectuel initial. Dans le domaine de l’IA, où les connaissances tacites et les savoir-faire expérimentaux sont difficiles à transférer, ces départs créent un risque stratégique majeur : dilution de la vision technique, ralentissement de la feuille de route et dépendance accrue aux nouvelles recrues, souvent moins imprégnées de la culture et des arbitrages originels.

La création de Babuschkin Ventures pourrait cependant se révéler un atout indirect pour l’écosystème : un investisseur opérant à la frontière de l’IA fondamentale et des systèmes autonomes, avec une exigence sur la sûreté, c’est rare. Si l’on y ajoute un carnet d’adresses haut de gamme dans la recherche et l’ingénierie, les projets financés pourraient devenir des acteurs structurants de la prochaine vague d’IA agentique.

Reste que, pour xAI, l’enjeu immédiat est moins de “débloquer les mystères de l’univers” que de consolider son propre univers interne. Dans un secteur où la vitesse d’itération et la cohésion de l’équipe R&D font la différence, perdre ses architectes originels, c’est un peu comme tenter de maintenir un moteur de fusée… après que les ingénieurs sont partis avec les plans.

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