Meta, Google, Microsoft : le poker menteur des investissements IA
Dans la grande ruée vers l’intelligence artificielle, la règle semble désormais claire : investir massivement, quitte à ignorer la rentabilité à court terme. Sam Altman, CEO d’OpenAI, l’a déclaré sans détour sur CNBC : ChatGPT doit « continuer à fonctionner à perte » pour maintenir la cadence d’innovation et l’expansion de sa capacité de calcul. Un choix stratégique presque inévitable lorsqu’on affronte des mastodontes comme Google et Meta, dont les profits publicitaires ou le cloud permettent de financer des projets hors de portée d’acteurs plus petits.
Mais cette stratégie de “cash burn” a ses limites. Même les poches profondes peuvent se vider. L’exemple de Meta est éloquent : ses liquidités ont fondu de 30 milliards de dollars au premier semestre, soit 40 % de sa réserve, sous l’effet d’investissements colossaux dans l’IA.
Le pari de Meta est particulièrement audacieux. Contrairement à Google et Microsoft, l’entreprise n’exploite pas de cloud commercial qui pourrait rentabiliser ses nouvelles infrastructures IA. Ses data centers de nouvelle génération n’hébergeront pas des services pour des clients externes, mais alimenteront essentiellement ses propres usages : amélioration des algorithmes publicitaires et ce concept flou de “superintelligence personnelle” que Mark Zuckerberg promet à chacun. Techniquement, cette approche implique des investissements comparables à ceux des acteurs cloud hyperscale… sans le levier économique des contrats B2B.
Sur le papier, Wall Street n’y voit pas de problème. Meta affiche une croissance trimestrielle de 22 % et les analystes prédisent un chiffre d’affaires passant de 195,8 milliards de dollars en 2025 à 362 milliards en 2030. De quoi, pensent-ils, absorber plus de 100 milliards de dollars de capex annuels dès 2027, contre environ 72 milliards cette année.
Mais les projections laissent sceptique. Selon WPP, la croissance mondiale des dépenses publicitaires sur les réseaux sociaux d’ici 2030 atteindra 142,6 milliards de dollars. Or, les prévisions des analystes supposent que Meta capte l’intégralité de cette croissance… et plus encore. Autrement dit, pour que l’équation tienne, il faudrait que Meta vende non seulement beaucoup plus de publicité, mais aussi suffisamment de produits connexes — lunettes connectées incluses — pour combler l’écart.
Si cette croissance n’est pas au rendez-vous, les conséquences pourraient être sévères : ponction sur la trésorerie, endettement, voire ralentissement des projets IA. Le risque souligné par le Wall Street Journal est que la vague IA finisse par « assécher les caisses des entreprises américaines », transformant une course technologique en marathon budgétaire épuisant.
En misant sur une IA propriétaire et fermée, sans revenus directs liés à la vente de services cloud, Meta s’expose davantage qu’OpenAI ou Google. Une stratégie à haut risque qui pourrait, selon la tournure du marché publicitaire, passer de coup de génie à coup de poker perdant.