Quand les marges s’évaporent dans le cloud : Amazon seul rescapé ?

Le dernier trimestre fiscal a vu s’affronter les titans du cloud dans une course frénétique à l’intelligence artificielle. Microsoft et Google affichent des croissances impressionnantes dans leurs divisions cloud : +26% pour Azure, +32% pour Google Cloud. De quoi faire de l’ombre à AWS, dont la croissance s’est « contentée » de 17%. Pourtant, à y regarder de plus près, la médaille brille différemment côté rentabilité.

Des croissances éclatantes… mais moins rentables

Chez Microsoft, le segment “Intelligent Cloud” – essentiellement Azure – a généré une marge opérationnelle de 40,6%, loin derrière les 57,4% de la division logiciels. Même constat chez Google : la publicité reste reine avec une marge de 40%, tandis que Google Cloud plafonne à 20,7%. Or, ce glissement du mix de revenus vers des activités cloud en forte croissance mais à marges plus faibles pourrait bien devenir une pente glissante pour les géants historiques du logiciel et de la publicité.

La pression ne va faire que s’intensifier : les services cloud dopés à l’IA nécessitent des investissements colossaux en infrastructure, donc en CAPEX, qui viendront lourdement peser sur les amortissements et la rentabilité. Autrement dit : plus ça croît, plus ça coûte. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’IA pourrait bien cannibaliser certaines lignes de revenus historiques : assistants dopés à GPT dans Office, réponses directes dans la recherche Google… Ce qui est censé défendre les châteaux pourrait saper leurs fondations.

Amazon, l’outsider bien positionné

Face à cette dynamique, Amazon joue une partition différente. AWS affiche une marge de 33%, très supérieure à celle du e-commerce maison, famélique à 6,6%. Surtout, cette activité ne menace pas les autres divisions du groupe — elle les complète. Entre 2017 et 2024, AWS est passé de 9,8% à 17% des revenus du groupe. Résultat : la marge opérationnelle globale d’Amazon a bondi de 2,3% à 10,7%. On doit certes cette embellie aussi à la publicité, mais l’effet AWS est indéniable.

Ironiquement, plus Amazon se transforme en entreprise de services cloud (et d’annonces publicitaires), plus elle devient rentable. L’inverse de Google et Microsoft, qui risquent de voir leurs marges totales se tasser au fur et à mesure que leurs moteurs historiques s’essoufflent ou sont dilués par des activités moins lucratives.

Les marchés financiers regardent ailleurs

Si la performance d’AWS paraît terne face aux croissances de ses concurrents, elle cache un avenir potentiellement plus brillant. Un indicateur clé passé sous silence par beaucoup d’analystes : le carnet de commandes AWS a bondi de 25% ce trimestre. Autrement dit, les revenus à venir sont bien là — mais décalés dans le temps.

Et pendant que les investisseurs se ruent sur Microsoft, dopé par l’enthousiasme Copilot, ils semblent ignorer qu’une large part des bénéfices actuels de l’éditeur repose sur des produits à très forte marge… mais menacés de cannibalisation. Le marché, qui punit déjà Google pour ses incertitudes, reste pour l’instant aveugle face à ce risque chez Microsoft. À l’inverse, Amazon – qui a longtemps été perçu comme un bulldozer à faible marge – pourrait bien être celui qui optimise le mieux le passage à l’ère IA-cloud.

Conclusion : prudence dans l’enthousiasme

Pour les DSI, cette dynamique mérite attention. S’appuyer sur des acteurs dont les marges s’effritent sous la pression des investissements IA pourrait signifier une instabilité stratégique à moyen terme. À l’inverse, miser sur AWS pourrait s’avérer être un choix plus résilient, dans un contexte où performance économique et capacité d’innovation vont de pair.

Oui, Microsoft et Google sont aujourd’hui devant sur la croissance IA-cloud. Mais dans la course de fond des marges et de la soutenabilité, Amazon n’a pas dit son dernier mot.

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