Microsoft FY25 : Croissance exceptionnelle, suppressions d’emplois… bienvenue dans l’économie paradoxale

Licencier 9 000 personnes tout en battant des records financiers : voilà un exploit que seule l’industrie technologique semble capable de revendiquer sans sourciller. Et sans aucune protestation syndicale, même en France où la filiale est fortement touchée en proportion.

En ce mois de juillet 2025, Microsoft a dévoilé les résultats du quatrième trimestre de son exercice fiscal. Et quels résultats : 76,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires (+18 % en un an), un bénéfice net de 27,2 milliards (+24 %) et une action valorisée à 3,65 $ (+24 % également). Pour l’ensemble de l’année, les chiffres donnent le vertige : 281,7 milliards de dollars de revenus (+9 %), 101,8 milliards de bénéfice net (+16 %). Un triomphe.

Mais ce triomphe a un goût amer. Car il intervient quelques jours seulement après l’annonce de 9 000 licenciements supplémentaires, touchant une large gamme de départements – y compris le jeu vidéo, où plusieurs projets Xbox ont été annulés et des studios démantelés. De quoi sérieusement interroger sur la nature même de cette “croissance”.

Cloud et IA : les moteurs d’un bulldozer économique

Pas de surprise sur le moteur principal : Azure et l’IA sont les nouvelles religions chez Microsoft. Avec un chiffre d’affaires annuel dépassant les 75 milliards de dollars pour Azure (+34 %), Satya Nadella peut se permettre de parler de “transformation de toutes les industries”. L’Intelligent Cloud dans son ensemble a généré 29,9 milliards de dollars sur le dernier trimestre, avec une croissance de 21 % sur l’année.

Les autres segments sont également à la fête : la division “Productivité et processus métiers” (Office, LinkedIn, Dynamics 365) a rapporté 33,1 milliards de dollars (+16 %) ce trimestre. Même le segment plus traditionnel “More Personal Computing” – longtemps mal-aimé – se reprend : Xbox services (+13 %), Windows OEM (+3 %) et Search/ads (+21 %).

En bref, la croissance est partout. Même si Windows OEM fait pour une première fois moins bien que les ventes de PC qui seraient en moyenne de +4,2% selon Gartner et IDC. Un début de désamour pour Windows qui semble ainsi se confirmer ?

L’énigme du succès, ou le capitalisme à géométrie variable

Satya Nadella lui-même parle d’une “énigme du succès” : l’entreprise a réduit ses effectifs, mais son “headcount” reste stable, et Microsoft flirte désormais avec les 4 000 milliards de dollars de valorisation boursière.

Ce paradoxe illustre la dynamique du capitalisme technologique contemporain : la valeur n’est plus produite par une expansion humaine mais par une hyper-optimisation, une compression des coûts, et une captation algorithmique des usages. L’IA joue ici un rôle central, en permettant à Microsoft d’automatiser, de personnaliser et de “scaler” ses services, tout en réduisant les frictions humaines.

Autrement dit : la productivité grimpe, les revenus aussi… mais les humains deviennent de plus en plus “optionnels”.

Des suppressions stratégiques ? Ou une fuite vers l’abstraction ?

Les suppressions d’emplois chez Microsoft sont loin d’être anecdotiques : elles touchent le jeu vidéo (avec l’arrêt de plusieurs jeux Xbox, des coupes dans le studio Forza, et la fermeture pure et simple de certains pôles) mais aussi des départements transverses. Or, dans un marché du jeu vidéo déjà sous tension, ces décisions soulèvent des questions de stratégie long terme.

Le jeu vidéo est-il devenu un “accessoire stratégique” dans un écosystème dominé par Azure et Microsoft 365 ? La réponse implicite semble être “oui”. Ce choix reflète une orientation vers le B2B, le cloud, les services récurrents et surtout l’IA comme plateforme transverse. Mais cela pose la question suivante : Microsoft est-elle encore une entreprise “produisant” de la technologie, ou bien devient-elle une métastructure financière d’abstraction technologique ?

Conclusion : la dystopie tranquille du cloud first

À travers ses résultats, Microsoft démontre une maîtrise chirurgicale de la croissance à l’ère post-industrielle. Chaque dollar est investi là où il rapportera 1,20 $. L’humain, lui, devient une variable d’ajustement.

Pour les DSI et architectes IT, il s’agit d’une leçon à double tranchant : d’un côté, les services Microsoft (Azure, Microsoft 365, IA générative) s’imposent comme des incontournables technologiques. De l’autre, il devient crucial d’interroger la soutenabilité sociale et éthique de cette croissance. Car derrière chaque point de pourcentage gagné, il y a aussi des arbitrages qui façonnent le futur du travail et de l’innovation… Vaste question qui sera de plus en plus posée par Microsoft certes mais aussi par tous les acteurs.

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