[Humeur] Tesla et l’illusion de la gouvernance : une (future) assemblée générale dévitalisée
La gouvernance d’entreprise devrait incarner rigueur, redevabilité et alignement stratégique. Pourtant, le cas Tesla jette une lumière crue sur un rituel autrefois central : l’assemblée générale des actionnaires. Entre procédures dilatoires, décisions verrouillées à l’avance, et indifférence générale, l’AG de Tesla illustre une tendance qui devient de plus en plus habituelle : l’assemblé général est sans doute pour Elon Musk un rituel désuet…
Finalement, sans surprise, pas de réunion en juin
Jusqu’à récemment, l’absence de date pour l’AG 2025 de Tesla aurait pu passer inaperçue, tant ces événements suscitent peu d’intérêt. Mais voilà : un groupe d’actionnaires agacés par ce silence a réussi à mobiliser la presse – The New York Times et Wall Street Journal en tête – pour forcer la main à la direction. Résultat : la date est fixée au 6 novembre, soit 17 mois après la dernière assemblée. Une victoire ? À peine. La seule chose prouvée ici, c’est qu’un coup de projecteur médiatique peut parfois déclencher un réflexe bureaucratique.
Mais au fond, qu’a réellement obtenu ce groupe d’actionnaires ? Le calendrier est respecté, certes. Mais ni les résultats commerciaux déclinants, ni les escapades excentriques d’Elon Musk ne seront impactés. L’AG, dans ce contexte, apparaît pour ce qu’elle est devenue : un point de passage administratif, sans effet réel sur la trajectoire stratégique de l’entreprise. Donc ceux qui comptaient sur cette réunion pour se débarrasser de Musk (qui détient 13% des actions) en seront, sans doute, pour leur frais.
Un simulacre de contre-pouvoir
Le droit des actionnaires à influer sur la gouvernance reste un pilier théorique du capitalisme moderne. En pratique ? C’est souvent un exercice de style. Les actionnaires activistes peuvent bien proposer des candidats au conseil, ils savent que le plus souvent, un compromis aura été trouvé avant même que les urnes ne soient ouvertes. Quant aux votes “contestataires”, ils sont parfois tout bonnement ignorés. Est-ce si différent dans d’autres entreprises et en France, je vous laisse juge, mais ce n’est pas si évident…
Le cas Tesla : une gouvernance en mode fan club
Le cas de Tesla est particulièrement édifiant. Lors de son AG 2024, convoquée à temps cette fois, les actionnaires étaient appelés à voter sur deux sujets critiques : la relocalisation du siège juridique de l’entreprise au Texas, et la validation (a posteriori) d’un package de rémunération XXL pour Elon Musk, pourtant annulé par une juge du Delaware.
Résultat des courses : double validation. Comme s’il s’agissait d’un formulaire en ligne où l’on clique “Suivant” sans lire. Pourtant, cette décision illustre deux angles morts majeurs :
- Délocalisation au Texas : moins de droits pour les actionnaires, mais un environnement plus permissif pour la direction, quelle surprise !
- Package Musk : maintenu, malgré une décision judiciaire pointant un manque de transparence et des conflits d’intérêts dans le processus d’approbation. Ceci dit, dans l’état actuel du pouvoir aux USA, les conflits d’intérêts semble être une pratique pour le moins établie…
Chez Tesla, la gouvernance ne s’analyse plus selon les standards du contrôle, mais selon les dynamiques d’une base militante. Pour beaucoup d’investisseurs, Musk est moins un CEO qu’un visionnaire messianique. Le respect des règles importe peu, tant que la promesse technologique perdure. Mais que reste-t-il d’un système de contrôle si ses participants refusent d’y jouer leur rôle ? Certains, plus lucides, vendent leurs actions au lieu de voter. Les autres se contentent d’applaudir.
Consternant à mon avis. Et dire que certains avaient l’illusion de croire que la démocratie en entreprise était exercée par les actionnaires (théoriquement les propriétaires de cette entreprise), même pas…