Microsoft, roi de l’IA en entreprise ? Peut-être. Maître de son destin ? Pas sûr.
Microsoft a le vent en poupe. En 2025, son action a bondi de 17 %, surpassant presque tous les autres géants de la tech, à l’exception de Meta, dont la valorisation semble s’affranchir des lois de la gravité. Cette performance boursière pourrait sembler justifiée si l’on considère la position dominante que Microsoft occupe dans le secteur de l’IA d’entreprise, nous vous en parlions encore longuement lors du dernier Briefing Calipia. Mais à y regarder de plus près, la réalité est bien plus complexe – et potentiellement préoccupante pour l’éditeur de Redmond.
Le cours actuel de Microsoft m ne repose pas tant sur les performances opérationnelles immédiates que sur une croyance : celle que Microsoft est solidement installé comme leader technologique en intelligence artificielle. Or, cette conviction mérite d’être fortement nuancée.
Un leadership fondé sur une dépendance critique
Depuis deux ans, la montée en puissance de Microsoft dans l’IA est indissociable de son partenariat avec OpenAI. C’est l’accès privilégié aux modèles GPT et aux innovations de la start-up californienne qui alimente la transformation des services Azure, des outils Microsoft 365, et même de Copilot. Mais ce partenariat, s’il a permis à Microsoft de se positionner comme un acteur incontournable de l’IA générative, repose sur un socle étonnamment instable.
OpenAI détient en effet un pouvoir de coupure : si la société estime avoir atteint le stade d’intelligence artificielle générale (AGI) – ce Graal flou et controversé désignant une IA plus intelligente que l’homme –, elle pourrait désactiver l’accès de Microsoft à ses technologies les plus avancées. Microsoft peut certes contester cette déclaration, mais le dernier mot revient à OpenAI.
En d’autres termes, Microsoft construit sa domination IA sur une fondation contractuelle fragile, et sur une dépendance directe à une entité privée aux objectifs partiellement divergents. Si OpenAI décide de couper le robinet, Microsoft se retrouverait brusquement à court de carburant technologique.
Ce fameux « kill switch » est né d’un raisonnement éthique assez discutable : OpenAI, dans son ADN d’organisation à but non lucratif (du moins à l’origine), estime qu’un acteur comme Microsoft – entreprise commerciale, cotée, et souvent considérée comme vorace – ne devrait pas détenir un accès illimité à une superintelligence artificielle. Mais cette logique soulève une objection évidente : pourquoi OpenAI serait-elle, en elle-même, un garant plus fiable des intérêts de l’humanité ?
Au final, cette clause ressemble moins à un garde-fou qu’à un levier stratégique. D’autant plus que la rivalité monte entre les deux partenaires : OpenAI devient progressivement un concurrent de Microsoft, en proposant des API, des assistants, et bientôt des solutions professionnelles qui grignotent directement les revenus Azure et Copilot.
Un jeu d’influence… que Microsoft pourrait perdre
Certes, Microsoft a investi plus de 13 milliards de dollars dans OpenAI, et cet engagement pourrait lui permettre d’acquérir jusqu’à 40 % de participation dans la structure commerciale de son partenaire, à condition qu’un projet de réorganisation aboutisse. Mais ce capital potentiel ne suffira pas à compenser une éventuelle perte d’accès technologique.
Car Microsoft n’a pas (encore) l’équivalent en interne : ses équipes de recherche en IA – bien qu’excellentes – sont loin de pouvoir rivaliser avec l’écosystème de recherche d’OpenAI. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, le concurrent qui pourrait tirer son épingle du jeu… c’est Google si seulement il arrivait à couper le cordon de sa dépendance au moteur de recherche et à la publicité… sacré exercice quasi impossible pour se concentrer sur l’IA en entreprise….
En somme, les projecteurs sont braqués sur Microsoft, mais le script pourrait très vite changer. La dépendance à OpenAI n’est pas seulement une faiblesse structurelle, elle pourrait devenir un risque existentiel pour la suite de sa stratégie cloud et IA.