Synthèse Build 2025 : Microsoft tisse sa toile d’agents intelligents et réinvente son écosystème

Satya Nadella l’a martelé sur scène à Seattle : l’avenir du développement passe par les agents IA. Mais derrière les strates de Copilot, Foundry et autres API contextuelles, Microsoft ressuscite aussi un Windows devenu plateforme d’inférence pour ne pas laisser la part belle à MacOS et autres Linux dédiés comme le propose Nvidia. L’IA est partout, mais c’est toute l’architecture Microsoft qui mute. Voyons les 7 points clés à mon avis annoncés hier.
1. Agents : vers une architecture distribuée… mais pilotée par Microsoft
On aurait pu s’attendre à un énième discours sur les copilotes. Surprise : Microsoft place désormais les “agents” au cœur de sa stratégie IA, dans une logique qui dépasse largement l’assistance à la saisie de code ou la génération de texte.
La nouveauté clef ? La prise en charge des systèmes multi-agents dans Copilot Studio. Ce que Microsoft appelle “multi-agent orchestration” permet à des entités IA de déléguer entre elles. À l’image d’un microservice, chaque agent peut prendre en charge une tâche, et passer le relais à un autre. Nous y reviendrons bien sur lors du prochain Briefing Calipia.
Les briques utilisées — Microsoft 365 Agent Builder, Azure AI Agents Service, Azure Fabric — forment une chaîne complète. De quoi concevoir de véritables workflows intelligents, potentiellement autonomes. Mais aussi, de quoi sérieusement interroger la gouvernance, la supervision et la traçabilité de ces interactions.
2. NLWeb : du site web à l’interface conversationnelle
Autre nouveauté à fort potentiel : NLWeb, ou “Natural Language Web”. Ce projet vise à transformer des sites web existants en interfaces pilotées par le langage naturel. À l’origine : R.V. Guha, pionnier du Web sémantique et concepteur de Schema.org.
Le positionnement est clair : rendre les applications web “agentifiées” sans tout réécrire. Microsoft ne précise pas encore la mécanique exacte — probablement une combinaison de LLMs, de parsing DOM . En revanche, la vision est ambitieuse : créer un web plus accessible, mais aussi, potentiellement, plus opaque si mal implémenté…
3. Copilot Studio devient une vraie plateforme pour devs aguerris
À mesure que les fonctionnalités s’empilent, Copilot Studio cesse d’être un outil low-code pour se positionner comme plateforme de développement agentique complète. Microsoft y injecte les API de M365 Copilot (encore limitées) et un accès direct aux modèles Azure Foundry.
La promesse ? Du BYOM (Bring Your Own Model) dans une interface accessible, sans passer par Azure Machine Learning. C’est l’unification en douceur du “no-code” et du “pro-code”, avec un risque : créer des solutions hybrides, puissantes mais peu auditées. A voir demain avec les exemples qui seront proposés…
4. MCP : la norme cachée mais capitale
Le Model Context Protocol (MCP) est sans doute le standard technique le plus stratégique de Build 2025. Présenté comme un “USB-C de l’IA”, il unifie le transfert de contexte entre agents, apps et outils (GitHub, Windows, Azure…).
Techniquement, cela permet de standardiser la mémoire, les intentions et les états d’un agent, tout en assurant la compatibilité entre plateformes. Côté DSI, c’est une aubaine pour la cohérence… à condition que l’ensemble reste interopérable (et pas trop Microsoft-centric). Là encore l’avenir nous dira si cette norme prend réellement…
5. Windows devient (enfin) une plateforme d’IA locale ?
Le runtime Copilot de Windows 11 est rebaptisé “Windows AI Foundry”. Il permet désormais de sélectionner, optimiser et déployer des modèles IA localement, tout en s’alignant avec Azure AI Foundry, ce qui n’est pas idiot si Microsoft veut rivaliser avec les solutions sous MacOS (qui dispose depuis 2020 des NPU qui manquaient à Microsoft)
La surprise ? Une version Mac est aussi disponible, signe d’un changement de posture : Microsoft se veut éditeur de plateforme IA, pas juste fournisseur d’OS, une sorte de concurrent à Ollama par exemple. Windows ML devient le moteur d’inférence par défaut — une sorte de “TensorRT maison” — et pourrait faire de l’OS un point d’entrée IA standardisé sur le poste client, une réponse cette fois aussi à Google.
6. Sécurité et gouvernance intégrées dans l’IA
La Build 2025 a aussi mis l’accent sur la sécurisation du cycle de vie des agents IA, avec l’intégration native d’Entra, Defender for Cloud et Purview dans Copilot Studio et Azure Foundry.
C’est essentiel : les DSI veulent garder le contrôle sur ce que font, voient et décident les agents. Avec Entra Agent ID, Microsoft propose une gestion fine des identités IA — y compris pour des agents tiers (ServiceNow, Workday). C’est un pas vers un IAM pour entités non humaines. C’est ici clairement une promesse très interessante, là encore c’est l’implémentation et la liste des solutions disponible qui fera la différence…
7. WSL devient open source (pour de vrai)
Longtemps critiqué pour son côté opaque, le Windows Subsystem for Linux (WSL) est désormais largement open source, tout comme l’extension Copilot Chat de VS Code, prochainement.
Ce mouvement confirme que Microsoft joue la carte de la transparence (sélective) pour rassurer la communauté Linux-first. Reste à voir si l’ouverture sera suivie d’une gouvernance ouverte… ou simplement d’un entre-soi piloté par Redmond.

Elon, Sam, Satya : le triangle de l’IA unifiée ?
Enfin, pour marquer le coup, Satya Nadella a réuni Elon Musk et Sam Altman (en vidéo). Musk a confirmé que les modèles Grok 3 et 3 Mini seront hébergés sur Azure Foundry. Altman a fait la promotion du nouveau Codex tout en renouvelant son alliance avec Microsoft.
Symboliquement, cette scène est forte : elle montre que Microsoft n’est plus simple partenaire technologique, mais l’infrastructure centrale de l’écosystème IA mondial, y compris pour ses rivaux idéologiques.
Nous en rediscuterons lors du prochain Briefing