Plainte devant la commission européenne de Slack contre Microsoft : point sur les positions de chacun
La semaine dernière, Slack déposait une plainte auprès de la commission europérenne contre Microsoft et son produit Teams pour concurrence déloyale (sans que le contenu précis ne soit public à ce jour). En réponse à cette plainte, Microsoft a souligné son adoption précoce des technologies de vidéoconférence dans Teams, laissant ainsi entendre que tout préjudice causé par Microsoft à la position de Slack sur le marché était davantage dû à sa différenciation concurrentielle, Visio qui n’est pas si importante dans l’offre de Slack qui met en avant des partenariats et plugins avec les leaders du secteur. Or cette dernière fonction est devenue primordiale avec la crise récente et le boom du télétravail.
Ainsi la ligne de défense de Microsoft risque bien d’être centrée sur cette différence avec un concurrent :
« Avec la COVID-19, le marché a adopté Teams en nombre record alors que Slack a souffert de son absence de vidéoconférence. Nous nous sommes engagés à offrir aux clients non seulement le meilleur des nouvelles innovations, mais aussi une grande variété de choix dans la façon dont ils achètent et utilisent le produit« .
Slack propose des appels vidéo et des conférences, mais les fonctionnalités ne sont pas aussi aboutis que dans Microsoft Teams, Google Meet ou Zoom, la vidéoconférence de Slack étant limitée à 15 participants, par exemple. La qualité vidéo et audio de Slack était souvent en retrait, mais elle semble s’être améliorée depuis que Slack a étendu son partenariat avec Amazon pour utiliser AWS Chime afin d’alimenter les appels vocaux et vidéo des utilisateurs de Slack. Nous vous en parlions ici même, En se tournant vers l’infrastructure d’Amazon, Slack s’éloigne d’un système basé sur la technologie de la société Superhero qu’elle avait acquis en 2015.
Dans l’annonce de sa plainte antitrust, Slack a brossé un tableau très différent des actions de Microsoft, affirmant que la société regroupe injustement Teams dans l’offre Office 365 – une position qui nous rappelle la principale affaire antitrust contre l’inclusion d’Internet Explorer avec Windows par Microsoft dans les années 1990… l’Avocat de Slack à déclaré lors du dépôt de plainte :
« Microsoft revient à son comportement passé. Ils ont créé un produit moins performant que le nôtre et largement copié sur ce dernier et l’ont lié à leur produit Office 365 qui domine le marché, en forçant son installation et en bloquant son retrait, une copie conforme de leur comportement illégal pendant la « guerre des navigateurs ». ”
Difficile en effet de ne pas voir un parallèle entre ces deux affaires, le mécanisme est assez proche. Pour rappel, Microsoft avait dans un premier temps essayer d’acheter Slack, avant de se raviser et d’annoncer développer un produit comparable avec Teams. L’intégration à Office 365 de ce dernier, avec même que toutes les fonctions n’étaient pas encore « sèches » a sans aucun doute permis à ce dernier d’emporter le morceau face à Slack. Nous vous en parlions là encore, les équipes de Microsoft avaient même été jusqu’à copier la pub de Slack !
Mais contrairement aux navigateurs dans les années 90, où Internet Explorer de l’époque était bien en retrait fonctionnellement face à son concurrent « Netscape Navigator », et où justement l’intégration dans Windows avait été décisive pour son adoption,
Teams présente de nombreux atouts face à Slack et en particuliers sur la vidéo, et c’est donc logique que Microsoft mette l’accent sur ces avancées pour se défendre. Ainsi lors de la conférence partenaire la semaine dernière Satya Nadella (le CEO de Microsoft) a passé une partie de son discours à parler de la dynamique de Teams, avec 75 millions d’utilisateurs actifs par jour, et de l’adoption par de grandes organisations telles que L’Oréal par exemple. Il a mis en évidence également les nouvelles fonctionnalités vidéo telles que « Together Mode » dans Microsoft Teams. Nous vous en parlions également, cette fonction place les participants dans un environnement virtuel partagé, en supprimant les arrière-plans individuels afin de faciliter la détection des indices non verbaux et d’interagir davantage comme dans la vie réelle.
Pour Satya Nadella Teams est :
« Au centre du travail collaboratif dans Microsoft 365, il aide les gens à être plus productifs et à collaborer davantage avant, pendant et après les réunions et s’attaque aux défis fondamentaux comme la fatigue des réunions vidéo ».
Une manière de répondre aussi aux accusations de son concurrent sur l’intégration à Office 365.
Amusant en tout cas de voir que ces acteurs américains se servent de l’Union européenne pour régler leurs différents commerciaux… et pourquoi les choses ne sont pas aussi simple à faire aux USA…