Passage d’Intel à ARM : Apple peut-elle réussir là où Microsoft a échoué ?
Nous sommes nombreux à savoir suivi avec intérêt la keynote d’ouverture de la conférence développeur d’Apple Lundi soir. Beaucoup d’annonces sur iOS14, iPadOS, MacOS, mais l’essentiel était sans doute le passage programmé d’Intel à ARM (sur une puce Apple maison : Apple Silicon). Les rumeurs avaient vu juste, après un passage de Motorola 68000 puis au PowerPC d’IBM et quelques années plus tard à Intel, la pomme entame du prochain virage avec le passage à ses puces maisons, sous architecture ARM.
Mais une question se pose : Apple peut-elle réussir là où Microsoft a échoué il y a 10 ans avec Windows ARM et où il est sans doute encore en train d’échouer, comme nous l’avions anticipé pour ces deux évènements avec Windows RT et aujourd’hui avec la Surface Pro X et le développement de son système avec Qualcomm (voir l’état des ventes de ces matériels pour s’en convaincre) ?
Les éléments qui entraineraient Apple sur le même chemin que Microsoft :
- La dépendance aux « petites » applications natives qui ne seront pas portées sur la nouvelle puce : tous les développeurs ne porteront pas leur applications sur la nouvelle puce, soit pas manque de ressources, soit parce que leur application n’évolue plus alors même qu’elle reste utilisée. Dans ce cas, comment imaginer le financement d’une nouvelle application et le portage associé ? On le sait dans le cas d’un changement d’architecture (et parfois simplement de version), le diable se cache souvent dans les détails : des petites applications « bloquées » sur ancienne version mais très utilisées, des drivers qui manquent pour du « vieux » matériel, etc.
- Une couche d’émulation peu performante. C’est un grand classique promis par les constructeurs / éditeurs : « les applications que vous ne pourrez pas trouver en natif fonctionneront en émulation sur le nouveau processeur ». On connait cela chez Microsoft avec Windows ARM, et même chez de nombreux constructeurs de machine Unix à l’époque qui promettaient une émulation de Windows sans faille… On connait la suite ! La réalité est donc souvent tout autre : la couche d’émulation ou de virtualisation consomme des ressources qui à minima ralentisse l’application quand celle ci daigne fonctionner. Les ressources consommées baissent aussi considérablement l’autonomie de la machine, comme c’est le cas par exemple des applications Win32 sur les machines Surface Pro X de Microsoft par exemple…
- Des performances qui ne seraient finalement pas au rendez-vous pour des problèmes hardware où de conception des puces ou de leur écosystème hardware associé.
Mais Apple dispose aussi d’atouts importants face aux écueils qu’a rencontré Microsoft :
- Les processeurs de l’entreprise ne sont pas nouveaux et elle en maitrise les éléments depuis longtemps pour les avoir elle même conçus. En effet on parle ici des processeurs qu’elle a conçue pour ses iPhones et iPads, elle en maitrise le fonctionnement et en connait les limites. Ce n’est pas le cas de Microsoft qui reposait à chaque fois sur des compétences majoritairement externes. Et sans avoir les liaisons (parfois dangereuses) qu’elle entretenait avec Intel.
- Apple à déjà maitrisé par le passé et à 2 reprises le changement d’architecture (Motorola à IBM PowerPC et de ce dernier vers Intel) avec succès. Les moyens qu’elle met en place aujourd’hui pour les développeurs : accompagnement et prêt de matériel associé, sont les mêmes qu’à l’époque du passage PowerPC à Intel.
- Avec les mêmes architectures et outils de développement que la plateforme iOS, Apple n’aura aucun mal à convaincre d’utiliser la nouvelle plateforme Mac qui sera donc la même ! Microsoft ne bénéficiait pas d’une telle masse de développeurs « encadrés » et habitués aux pratiques de l’AppStore… On voit au passage que ce sont les mêmes ficelles qu’utilise Google pour convaincre les développeurs Android de développer en natif pour ChromeOS, mais c’est un autre sujet qui est aussi une belle pierre dans la chaussure de Microsoft…
- Les applications iPad fonctionneront en natif sur MacOS. C’est un bel avantage là encore, alors même que ces dernières se sont adaptées il y a quelques temps à l’utilisation du clavier externe et même depuis iOS13 à la souris ! Google propose la même chose maintenant avec Chrome OS (fonctionnement en natif des application Android) mais ne bénéficie pas d’une si bonne intégration du fait de l’abandon du développement d’Android sur tablette.
Mais surtout : Apple à visiblement dès le départ le support des gros éditeurs dont Adobe et ses suites qui sont au coeur des usages des Macs aujourd’hui et… Microsoft lui même qui propose (démontré là aussi durant le Keynote) Office en natif. Quel paradoxe tout de même, alors que ce dernier ne dispose pas de cette même suite (en natif, elle fonctionne avec la couche d’émulation Win32 !) sur Windows ARM !