[Lettre Calipia] Windows : la fin d’un cycle ?

Article issu de la La Lettre Calipia, abonnement gratuit sur demande : calipia.com/lalettre.
Ce titre est sans doute un peu provocateur, mais force est de constater, après avoir régné en maitre depuis plus de 20 ans sur l’informatique, rien ne va plus du coté de Windows. Il est vrai que les débuts de Windows 8 ont été assez laborieux, mais les raisons de la baisse d’attractivité de Windows sont sans doute un peu plus profondes…
Il faut se rendre à l’évidence, Windows n’est plus le sésame qui fait vendre à lui seul l’ensemble des technologies de la société.
Il était une fois Windows…
Il fut un temps reculé où le simple fait d’accoler Windows à une technologie en garantissait son succès. Windows rimait avec succès grand public. Certains d’entre nous se souviendrons de la séparation Microsoft / IBM autour d’OS/2 1.3 : le pacte signé entre les deux entreprises prévoyait qu’IBM continue le développement de la version 2 tandis que Microsoft continuerait la version 3.0, version disposant d’un nouveau noyau « MicroKernel », véritable rupture technologique. Mais ce qui devait être OS/2 3.0 devint chez Microsoft, Windows NT, en effet, la compagnie s’empressa de renommer ce produit Windows pour surfer sur la vague Windows très populaire dans le grand public avec Windows 3.1, Windows NT (3.1) et OS/2 définitivement abandonné par Microsoft. IBM poursuivra son développement à destination principalement des entreprises, on connaît la suite, au grand dam du cabinet Gartner qui voyait en OS/2 un succès imminent, ce système d’exploitation finit par disparaître, première victime déclarée de la vague Windows. Indéniablement, Mac OS fut la seconde victime de cette déferlante, le système d’Apple, était lié au matériel, en fin de vie (il a fallu attendre encore de nombreuses années avant de voir le renouveau avec OSX, basé sur un noyau Unix FreeBSD).
En entreprise « Windows » a été et est sans doute encore largement aujourd’hui synonyme de meilleure intégration au « Système d’Information ». C’était à l’époque le cœur des arguments pour Windows Server, et même dans une certaine mesure de Windows Mobile (ancêtre des Windows Phone) qui combattait déjà au début des années 2000 Blackberry pour l‘intégration des Smartphones dans l’entreprise.
A cette époque, Microsoft se mit à conjuguer Windows à toutes les sauces : Windows Mobile, Windows NT, Windows Server, Windows CE, Windows for Smartcard, Windows Live, Windows Media, Windows Messenger, Windows Printing System. Sans oublier les Windows XP, Windows 3.x Windows 95, Windows ME, Windows for Workgroups, Windows Small Business Server… Puis virent également plus récemment Windows Intune, Windows Azure, Windows RT, Windows Phone. Et cette liste n’est sans doute pas exhaustive,
Seulement voilà, le simple nom « Windows » ne fait plus vendre à l’heure actuelle, ce serait plutôt même parfois un handicap. Selon de récentes études outre atlantique, Windows ne serait plus une marque « glamour » et n’emballerait pas les générations Y, et n’ayons pas peur des mots, elle aurait même un petit côté « ringard » pour certains…
Microsoft n’est pas passé à côté de ces informations, pour preuve le fait que le géant s’évertue même maintenant à gommer cette marque : Windows Azure qui devient Microsoft Azure, et parions sur un changement de nom de Windows Phone demain pour un Microsoft Phone et pourquoi pas demain renommer Windows Intune ? En effet ce produit ne se contente pas, loin de là, d’administrer des machines Windows mais tout aussi bien des iPhones que des iPads par exemple, alors à quoi bon garder ce nom ?
Les langues se délient, la marque Windows (en version ARM) sur les tablettes a même été source de discussions. Selon Australian Financial Review, Jeffrey Clarke, président de la division PC de Dell aurait prévenu à l’époque Steve Ballmer qu’utiliser le terme Windows RT pour la version destinée aux tablettes ARM risquait de créer une confusion chez les consommateurs qui penseraient pouvoir installer leurs applications Windows classiques alors que ce n’était pas le cas. Selon l’article qui rapporte l’affaire, Steve Ballmer aurait répondu au dirigeant de Dell que la marque Windows était trop importante pour être occultée.
Durant des décennies (au moins 2), en interne chez Microsoft, être développeur dans la branche Windows de l’éditeur était la voie royale, on tutoyait les seigneurs…
Cette entité était (encore plus que la division Office) la vache à lait de l’entreprise avec près d’un tiers du chiffre d’affaire de la société et pas moins de la moitié de ses bénéfices !
Il fut donc un temps ou la société Microsoft se confondait avec la marque Windows. Pour un employé, il n’était pas rare qu’il entende dire par ses amis : « tu bosses chez Windows ? ». Tant la notoriété du produit (tout au moins dans le grand public), primait sur celle de la société.
Windows 8 : source de tous les maux ?
A en croire bon nombre d’observateurs, le problème actuel du marché serait la dernière version de Windows. Windows 8 aurait à lui seul tétanisé le marché du PC, plongé les constructeurs dans le doute et fait le lit d’Android sur les tablettes et celui de ChromeOS sur les PC portables…
La réalité est sans doute beaucoup plus nuancée…
Pour certains, Windows 8 aurait travesti l’esprit même de Windows, rien de moins ! C’est la position de plusieurs analystes outre atlantique, dont le célèbre Paul Thurrott.
A la base de cette réflexion, la genèse même de Windows qui depuis le début de son existence s’est positionné face à l’environnement du Mac comme plus ouvert et corolaire, plus permissif.
Les développeurs Windows pouvaient choisir de suivre des directives de l’éditeur et les APIs associées, mais pouvaient aussi ne pas trop en tenir compte et se laisser ainsi plus de liberté pour offrir des éléments plus innovants. Face au Mac, Windows a vu naître de très nombreux logiciels, qui, s’ils ne respectaient pas les tables de la loi du développement Windows recommandé, offraient de nouvelles fonctions, de nouvelles interfaces, de nouveaux outils. Ce bazar ambiant a indéniablement favorisé la diversité et la créativité.
On connaît la suite. Windows a conquis le cœur des développeurs avant de conquérir la planète informatique !
Windows 8 avec son interface en tuiles, proposant un mode d’accès plus restreint et surtout plus contraint pour les développeurs, aurait du coup perdu son âme. Microsoft aurait donc voulu faire de l’Apple, de l’épuré, tournant ainsi le dos à sa communauté habituée à plus de liberté… Voilà pour l’analyse. C’est sans doute aussi, une des raisons qui aurait motivé le limogeage de Steven Sinosfky, patron de Windows et grand architecte de cette nouvelle interface.
Sur les tablettes, ou sur les téléphones, c’est bien sûr Android qui a pris cette place devenue vacante et qui a offert cette liberté de création aux développeurs, liberté la aussi synonyme de plus grand bazar…
La revanche d’Unix : majoritaire sur les devices
Témoin de cette évolution, le Gartner publiait en octobre ses prévisions de parts de marchés des différents OS en combinant pour la première fois tous les facteurs de formes : un coup de tonnerre, Windows était largement distancé par Android !
Ces chiffres cachent aussi une formidable revanche d’Unix et ses dérivés sur le poste de travail ! En effet, Android est un fork de Linux, lui-même issu d’Unix (sans doute de la souche la moins structurée de ce dernier mais passons, c’est un autre débat), iOS et Mac OSX sont tous deux des Unix basés à l’origine sur FreeBSD, Les nouvelles versions de RIM sont basées sur QNX, un Unix là encore avec une empreinte mémoire réduite. Et gageons que le « Others » regroupe pas mal de systèmes de souches Unix diverses et variées composant des objets connectés.
Quant aux serveurs, les parts de marché de Windows sont aussi au global en perte de vitesse. Posons-nous la question : combien de fournisseurs de Cloud utilisent Windows etcCombien utilisent des dérivés d’Unix ? A l’autre bout de la chaine, combien de serveurs Windows dans le grand public, combien de dérivés de Linux/Unix ? On peut assimiler à des petits serveurs les box internet (toutes sont des dérivés d’Unix) et les NAS personnel (idem)…
Autre question d’importance pour Microsoft : quel sera l’OS de l’internet des objets ? Coté client et coté backoffice. Sur cette même question Intel, confronté à ARM a trouvé un élément de réponse : faire des processeurs compatibles Android…
Microsoft, avec à sa tête Satya Nadella, a réagi et met actuellement les bouchées doubles pour combler les déficits fonctionnels de Windows 8 avec la 8.1, l’update 1 puis l’Update 2 déjà planifiée pour la rentrée. Pour l’éditeur, les cadencements annuels pour les nouvelles versions ne sont plus suffisants, l’évolution est quasi permanente. Au programme de ces mises à jour, une renaissance de l’interface de Windows qui petit à petit vient empiéter sur le territoire de l’interface en tuile « Modern UI » en tentant le meilleur des deux mondes : un pari difficile mais pas impossible pour l’éditeur dont les capacités de réactions restent très importantes.
Autre débat qui n’en est pas un à mon avis sur les différentes versions et éditions de Windows, qui seraient soi-disant un handicap pour Microsoft. Qui se soucie des multiples versions d’Android, de son incompatibilité totale avec Chrome Os (qui équipe les Chromebooks de Google) ou encore de la convergence iOS OSX qui peine réellement à voir le jour du côté d’Apple et qui finalement ne serait plus une priorité ?
Quel prix pour Windows ?
Problème important s’il en est pour Microsoft, le coût de la licence de Windows. Un vrai casse-tête pour l’éditeur. Un constat : il faut se rendre à l’évidence, le grand public n’est plus prêt à payer plus de 200 € pour une licence de système d’exploitation lorsque la règle chez les puissants concurrents que sont devenus Google et Apple est la gratuité de l’OS (leurs sources de rémunération sont ailleurs : matériel pour Apple et publicité pour Google).
Mais alors comment garantir des bénéfices suffisants et permettre le biseau avec d’autres sources de revenus ?
La réalité est que dans le grand public, le plus grand monde ne recherche pas un Système d’Exploitation … Mais seulement une machine qui doit disposer d’un OS, comme d’un processeur ou d’un disque dur… Le géant de Redmond en est bien conscient et c’est aussi une raison de ses investissements dans le domaine du matériel avec non seulement des tablettes mais aussi des téléphones par le biais du rachat de Nokia.
Seules les entreprises, et les directions informatiques se soucient logiquement encore du problème, mais pour combien de temps encore ? Qu’en sera-t-il dans 5 ou dans 10 ans ? Avec des applications qui dépendent de moins en moins de Windows et de plus en plus des facteurs de formes, des « expériences » et des fonctionnalités d’HTML 5 ! Dans le même temps, à l’instar d’Air France, certaines entreprises se posent de plus en plus ouvertement la question : et si le poste de travail n’était pas avant tout un poste mobile type tablette ? Le PC traditionnel devenant l’exception !
Pour lutter à armes égales, Microsoft a choisi la gratuité de Windows pour les versions s’exécutant sur des machines de moins de 8 pouces de diagonale. Ce sont aussi les segments qui ont les plus fortes croissances (dont les Smartphones), c’est ballot ! Mais comment faire autrement, il suffit de consulter le tableau de la page précédente pour voir l’étendue des dégâts ! Les alternatives n’étaient pas si nombreuses.
Nous aborderons bien entendu ce sujet lors du prochain Briefing Calipia (du 2 au 20 juin prochain) n’hésitez pas à vous joindre à nous : calipia.com/briefing. Sur le même thème, nous aborderons également le positionnement des Chromebooks et leur arrivée dans les entreprises demain, ainsi que le positionnement d’un nouvel acteur clé : Samsung qui, partant des mobiles, petit à petit, envahi le monde des entreprises.
Brillantissime constat
Ping : Deuxième génération de Nokia sous Android | Calipia : le blog